Publié le 22 avril 2020
Autre

Témoignage du confinement #4

Image de l'article

La situation que nous vivons dans le monde est inédite et Albi ne fait pas exception. Alors que la majorité des Albigeois est confinée à domicile, d’autres continuent à assurer les services à la population. Mais pour chacun d’entre nous, la vie a radicalement changé.

La MJC d’Albi essaie de maintenir le contact et la proximité entre nous, pour partager ces moments qui bouleversent nos existences.

La ville d’Albi nous a sollicité pour recueillir les témoignages de nos adhérents, de nos intervenants, de nos bénévoles et de nos animateurs. Nous t’invitons à témoigner avec tes mots de ce que tu vis au quotidien, de la manière dont tu appréhendes cette période, seul ou avec tes proches, en télétravail ou sur le terrain.

Aujourd’hui, le témoignage de Claire – Non, je n’ai rien oublié…(comme Charles)

Non, je n’ai rien oublié…

Ni mon prénom Claire,

Ni mon âge déjà trop avancé !

Malgré quelques baisses de tension

Dues à mon inaction et à la position assise,

Chacun me demandant d’écrire là, maintenant, tout de suite,

Pour divertir, témoigner ou m’essayer,

Je suis assez en forme et profite du soleil dans mon jardin.

Oui, j’ai cette chance d’avoir à ma disposition,

En ces temps d’attente et de confinement,

Un périmètre de verdure un peu à mon image.

Je l’ai beaucoup délaissé faute de temps ;

Les herbes folles couraient entre les fleurs et les arbustes.

Je l’avais, au fil des jours, planté tout en courbes,

J’y avais mélangé les couleurs et les formes,

Et le printemps y est la meilleure saison.

Donc, je profite… et le chouchoute

Entre deux devoirs d’écriture.

Le Frigo dont je suis un des piliers, ce qui veut juste dire que j’y travaille beaucoup,

Le frigo, donc, a dû fermer sa porte à tous ses adhérents ;

La MJC, ayant fait de même,

Je me retrouve donc, dans ma maison à Albi qui date elle aussi.

Elle porte sur son front : 1893 et j’imagine souvent

Qu’elle devait être à la campagne quand elle fut bâtie.

Faute de temps et d’énergie,

J’avais cessé d’écrire et de penser ;

Il fallait avancer, ne rien oublier, être efficace et agir avec rapidité.

Je l’avais fait.

Alors lorsqu’on nous a sommés de rester dans nos foyers,

Je me suis arrêtée et j’ai soufflé.

Et j’ai écrit :

penser au vol des oies sauvages,

penser aux arbres,

penser à faire quelques pas de danse chaque jour,

penser à chanter, même des conneries,

penser à dessiner même un truc qui ne ressemble à rien,

penser à ceux qui sont épuisés par les soins à donner et le danger que cela représente,

penser sans danger, pour l’instant vous n’êtes pas filmés,

penser au varan du Komodo qui aime se cacher sous les lits, mais qui mord s’il est effrayé,

penser à la tablette de chocolat oubliée et redécouverte récemment,

penser à revoir « Out of Africa », pour Robert Redford qui lave les cheveux de Meryl Streep,

penser à arroser les jeunes plants,

penser aux petits enfants qui grandissent,

penser à la couleur du ciel sur le toit,

penser à la beauté d’un texte appris,

penser à une île et à l’océan,

penser à la couleur et à Bonnard,

penser à espérer,

penser à ne plus penser,

et penser à Goya, Francisco, le peintre, à son œuvre gravée : une

plongée dans les travers de l’homme, et de la femme, avec

« Capriccios ». Complétés par « Desastres de la Guerra » qui nous

propulse dans les bas-fonds de l’âme, grandeurs et misères de la

condition humaine. (Petite visite au musée de Castres)

Vous pensez la même chose que moi ?

Dans quelques jours j’espère remonter sous le toit,

Dans mon atelier pour reprendre mes crayons et mes pinceaux.

Mais je me sens triste face à notre fragilité ;

Je pense très souvent au monde que je laisse à mes petits enfants,

Un monde menacé à tout instant.

Fini l’oubli : il faudra, dorénavant, prendre garde.

Et en attendant de revoir ceux qui commencent à me manquer,

Je vais, de ce pas, profiter du jardin, du soleil et du vent,

Car mes nuits deviennent, au fil des jours, de plus en plus courtes.

Le 9 avril 2020 à Albi.