Publié le 17 avril 2020
Autre

Témoignage du confinement #2

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La situation que nous vivons dans le monde est inédite et Albi ne fait pas exception. Alors que la majorité des Albigeois est confinée à domicile, d’autres continuent à assurer les services à la population. Mais pour chacun d’entre nous, la vie a radicalement changé.

La MJC d’Albi essaie de maintenir le contact et la proximité entre nous, pour partager ces moments qui bouleversent nos existences.

La ville d’Albi nous a sollicité pour recueillir les témoignages de nos adhérents, de nos intervenants, de nos bénévoles et de nos animateurs. Nous t’invitons à témoigner avec tes mots de ce que tu vis au quotidien, de la manière dont tu appréhendes cette période, seul ou avec tes proches, en télétravail ou sur le terrain.

Aujourd’hui, le témoignage de Marion, 54 ans – comédienne, chanteuse

Allez, on fait d’abord un petit tour par le dictionnaire étymologique d’Alain Rey… Voilà en résumé ce qu’il dit :

« Confinement » :

Le mot confinement est lié à l’idée d’enfermement d’abord dans le contexte pénal de l’emprisonnement (1579) puis dans l’isolement d’un captif (XIXe s). De nos jours, il indique surtout le fait d’enfermer et d’être enfermé dans certaines limites, concrètes ou, surtout abstraites.

Le mot de « confinement » dérive du mot « confins » qui désigne en latin les limites communes à des champs, à des territoires, d’où par métonymie, « voisinage » et au figuré, « état intermédiaire ». Le mot désigne une partie de terres située à l’extrémité, à la frontière ; il a repris par extension le sens de « bout, espace éloigné » et a repris au latin le sens figuré de « passage intermédiaires entre deux situations et de « point extrême ».

C’est pas de la poésie, ça ? Une notion qui, à la fois désigne une limite et une extrémité, une coupure sociale et un voisinage ? Une extrémité et un passage intermédiaire ? Ça résume totalement ce que je ressens…

Le premier jour du confinement le mardi 17 mars à 12h (si ma mémoire est bonne) J’ai été prise de panique et j’ai profité de cette « dernière matinée de liberté » pour… devinez quoi ? Aller voir une amie de l’autre côté de la ville ? Me précipiter à la médiathèque pour prendre une cargaison de livres ? Courir faire le tour de la ville comme un dernier au revoir avant la réclusion? Et bien non ! Je suis allée au marché couvert pour acheter des ravioli au petit italien !!! On me dit privation de liberté et je cours acheter des ravioli à un italien ! Qui pourra me dire ce qui m’a poussée à ça ? Moi je ne comprends toujours pas !

Ensuite je me suis jetée à corps perdu dans du ménage. J’ai tellement lavé, récuré, dépoussiéré ma maison, sans oublier de me laver les mains chaque heure de la journée, que j’ai fini par me faire un exéma aux mains !!! Heureusement pour me détourner de ma frénésie de propreté, une copine m’a demandé de fabriquer des masques en tissus pour le personnel du Centre de Rééducation Fonctionnelle. Ca m’a occupée 8 heures… C’était bien !

La deuxième semaine, je me suis jetée sur le travail sur ordinateur avec l’envoi de textes à travailler, divers contacts professionnels (j’ai découvert les réunions par skype ! J’ai même installé Watsapp sur mon téléphone ! C’est dingue !)… J’étais nerveuse et fébrile devant mon ordinateur comme s’il fallait justifier mon existence par un redoublement d’efforts et de travail. J’étais hyper concentrée, en prétextant une échéance urgentissime ! Foutaise ! J’avais en fait tout mon temps ! Trop de temps ! Mais mon cerveau n’avait pas encore compris que le changement de rythme était de mise. Cette semaine-là, je me pomponnais encore comme pour sortir et je m’habillais joliment pour faire comme si…

La troisième semaine, j’ai angoissé et j’ai été agressive avec la seule personne qui me tombait sous la main : mon mari (le pauvre). J’ai adopté la mode jogging mou, plus de maquillage, moins de lessives, moins de shampoings (c’est bon pour la planète !). Pour l’hygiène morale et physique, mon mari et moi sortions une heure par jour dans le périmètre autorisé, avec la peur au ventre d’être arrêtés par des policiers un peu trop zélés qui auraient forcément trouvé des raisons de nous verbaliser parce que nous étions deux, parce que nous étions sur des vélos, parce que nous aurions dépassé de deux minutes l’heure autorisée, ou dépassé le périmètre de 50 mètres ! Bon, en fait, on n’a pas vu de policier. Sauf une fois devant l’épicier du quartier pour vérifier qu’on n’était pas quinze clients dans la petite échoppe. Non, non, on était sagement à attendre, à la queue leu leu avec 2 mètres de distances entre nous… Les albigeois sont si gentils et obéissants !

La quatrième semaine. J’ai tourné en rond comme un chien qui cherche sa place…. Je devais aborder le temps différemment. Après quelques heures sombres, j’ai commencé à voir le bon côté la médaille… J’ai pris le temps de lire, le temps de me mettre au jardin, de planter des salades (une première pour moi !), de faire des bonnes choses à manger, de me remettre à la couture… Ah, la couture ! J’ai récupéré des morceaux de tissus en jersey de ma grand-mère et je crois que je viens de créer une mode super pratique, vintage et élégante. Une tenue Sportswear chic totalement adaptée à notre époque avec un bel ensemble veste pull pantalon et, le détail qui fait la différence : un joli bandeau pour la tête qui, en un clin d’œil se transforme en masque anti postillons ! Le résultat fait penser à du Pierre Cardin années 70 ! Je suis très fière de ma création !

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Mes conseils lecture :

J’ai lu « Le siècle des Platter » d’Emmanuel Le Roy Ladurie qui raconte grâce au journal de voyage de Felix Platter, la vie en France au 16e siècle (traversée de pestes et de mortalités galopantes.)

J’ai lu « Lila » de Marilynne Robinson. Un récit mystérieux qui met en scène un femme en errance dans l’Amérique des années 30.

J’ai découvert la série « Le bureau des légendes » qui nous plonge dans les services secrets français. De bons acteurs, sobres, et un sens du suspens qui donne envie de voir la suite ! Je me limite à un épisode par jour, tout comme je me limite à un carreau de chocolat quotidien… Voyez, je me limite moi-même !

Pour conclure, mon défi est de trouver ma liberté dans la contrainte, de trouver mon extrémité dans ma limite, de transformer cet état intermédiaire en temps de recentrage sur l’essentiel. L’étrangeté c’est de vivre la coupure sociale et à la fois la découverte de mon proche voisinage… D’ailleurs, j’ai jamais autant parlé à mes voisins ! Je crois que je n’ai jamais autant aimé ma ville et ses habitants (Trouvez d’ailleurs ma chanson « Albi mon Occitane » en cliquant ici ). Chaque fois que je traverse le pont de la République, j’admire la Cathédrale et le quartier du Castelviel puis je m’installe place du Château (ma limite autorisée) pour regarder de loin de rares enfants qui jouent dans les jets d’eau.

Je vous embrasse tous !

Marion Combes albigeoise depuis 30 ans.